L’Ingénierie Système pour créer un langage commun

Vous avez peut-être déjà fait ce constat : dès lors que l’on met le pied dans l’entreprise, nous nous mettons à utiliser une multitude de mots ou d’acronymes, sans en avoir une définition précise. Nous les utilisons parce que nous les avons entendus, et parce qu’en les réutilisant, nous avons constaté que l’interlocuteur comprenait le sens du propos, ou du moins comprenait quelque chose de suffisamment proche pour ne pas rencontrer d’écueil. Au final, se consolide pour nous une définition « floue » de ce mot qui varie sans doute sensiblement d’une personne à l’autre. Mais tant que ça ne pose pas de problème…

Ainsi pour certains, une « structure » est un bâtiment, quand pour d’autres, une « structure » est à la fois un bâtiment, un pont métallique, ou une voirie. Ainsi pour certains, un « incident » est une chute de charge quand, pour d’autres il s’agit en fait d’un « accident ».

C’est assez amusant car dans la sphère éducative ou dans la sphère personnelle, les mots ont un sens souvent bien plus robuste. Quand je demande le sel, le risque que l’on me passe le poivre est proche de zéro. Quand on me demandait de calculer l’accélération d’un corps, je ne proposais jamais un calcul de vitesse.

Et bien en entreprise ce risque existe, car le langage en entreprise est une augmentation ou une contextualisation assez peu contrôlée, en général, du vocabulaire du Larousse. C’est un langage qui sert l’action, au quotidien, et qui se développe en vase clos.

Aussi, dans un projet vaste et pluridisciplinaire, un même mot pourra avoir des sens différents selon l’interlocuteur et le métier pratiqué (génie mécanique, sûreté, ou facteur humain, par exemple). Il pourra aussi différer entre deux mêmes métiers appartenant à des filiales, à l’histoire ou au management différents. Pas besoin de vous faire un dessin sur les conséquences dramatiques que cela peut avoir sur le produit final, lorsqu’une information s’est transformée en passant d’une équipe à une autre.

Vous me direz : « Et l’Ingénierie Système dans tout ça ? ».

Et bien elle peut apporter des solutions. En effet, elle a vocation à implémenter beaucoup plus de processus collaboratifs que l’ingénierie traditionnelle.

Prenons simplement pour exemple l’élicitation des exigences s’appliquant à un système, leur analyse, et la convergence vers une spécification finale. Lors de l’élicitation, les métiers s’expriment librement. Lors de l’analyse, l’architecte, qui n’a pas vocation à connaître toutes les subtilités des vocabulaires métier, cherche à vulgariser et uniformiser ce qui lui est proposé. Lors de la convergence, les métiers peuvent contrôler que le sens de ce qu’ils ont exprimé n’a pas été perdu, ou bien apporter les précisions ou subtilités nécessaires.

A la fin de l’histoire, les équipes ont abouti à une spécification intelligible par tous. Et le vocabulaire qui y est utilisé forme le socle d’un nouveau langage commun.

Au regard d’un passé pas si lointain, on peut y voir une analogie avec l’imposition de la langue française comme langue unique de notre pays. Celle-ci ayant eu pour effet de faire reculer les patois, afin d’augmenter les synergies de la population. L’Ingénierie Système redonne son importance à une langue unifiée, au sein de projets très peuplés, par le processus décrit plus haut, ou par l’usage de modèles ou de schématisations, qui viennent se substituer au langage lui-même.
Cela n’empêchant pas de repasser au breton ou au provençal de temps en temps…