Lettre d’un anonyme qui a échoué…
Dans le contexte actuel de dégradation de notre environnement, je me suis posé la question suivante : « Si je devais laisser quelques mots avant de partir, qu’aurais-je envie de dire ? ». C’était assez simple en fait…
Ma fille… J’ai échoué…
Je pourrais dresser la liste des excuses qui pourraient justifier mon échec comme le fait qu’à mon époque, il n’y avait pas d’ordinateur ou d’iPad à la maison pour accéder à la connaissance. Je pourrais aussi évoquer le fait que mes parents n’ont pour seul diplôme que leur certificat d’études et que le sport occupait trop de place dans ma vie. Que le fait d’être ce qu’on appelle aujourd’hui un « zèbre » a provoqué une rupture précoce avec le système éducatif et m’a éloigné de l’envie d’apprendre. Que, comme tout le monde, j’étais jeune et insouciant. Les potes, le fun, l’envie de découvrir le monde, l’envie de « leur » prouver (de me prouver) des choses, l’ont emporté sur ma conscience de ce qui se passait autour de moi.
Mais ce ne sont que des excuses…
La vérité, c’est que j’étais là et j’ai tout vu…
Quand la bêtise humaine a provoqué la catastrophe de Tchernobyl, j’étais là.
J’étais là aussi quand l’Amoco Cadiz a englué des centaines d’animaux et tué tout un écosystème « juste » pour aller distribuer du pétrole qui aurait inexorablement souillé notre planète en sortant de nos pots d’échappement…
J’étais là, à l’époque des famines en Éthiopie et, sans comprendre pourquoi, j’ai acheté le 45 tours des « chanteurs sans frontière » …
J’ai vu la forêt amazonienne être attaquée par l’homme. Oui ! J’étais là, à 20h, quand Sting est venu sur les plateaux avec le chef indigène d’Amazonie Roani pour tenter désespérément de sauver nos poumons…
J’ai vu les pandas frôler l’extinction, les pistes de ski de mon enfance se couvrir de neige artificielle et j’ai vu les premières COP se créer. J’ai aussi vu celles qui ont suivi s’enchainer sans que rien n’en sorte…
J’ai vu des populations être déplacées pour mieux extraire les richesses qui étaient sous leurs pieds pour assouvir la volonté de consommation des riches qui se trouvent pourtant au-delà des mers et des océans…
Quand tout cela s’est passé, j’étais là ! J’étais là, et je n’ai rien fait !
Alors maintenant, je fais, je fais beaucoup comme pour me racheter. Comme si je pouvais rattraper le coup et peut-être un peu, sans me l’avouer, me racheter…
Je fais mais ça arrive tard, peut-être trop tard. Il a fallu que tu arrives dans ma vie pour que l’amour que je te porte me pousse à l’action, quel con…
J’ai réagi trop tard pour moi et peut-être pour toi mais j’espère que rien n’est perdu pour eux. Je caresse l’espoir que ce que je te donne va te permettre de les sauver.
Mais tu te demandes peut-être qui sont ces « les » et ces « eux » que j’évoque ?
Ce sont tes enfants à venir et les enfants de tes enfants. C’est le reste de l’humanité, ce sont tes contemporains et vos « futurs cumulés »… C’est le vivant de notre planète et les espèces qui composent cette biodiversité qu’on pourrait plus simplement appeler la vie…
Si finalement tout le monde s’en sort, ce sera peut-être un peu parce que j’aurais su te transmettre le fruit de mes erreurs et ce qui constitue la somme de mes culpabilités.
Parce que très tôt j’ai partagé mes peurs et les doutes avec toi. Parce que je t’ai traitée très tôt comme un être meilleur que tout ce que j’aurais pu être et parce que tu as incarné l’espoir que j’ai en l’humanité.
Mais ce sera surtout, je pense, parce que j’ai la chance d’avoir eu une fille comme toi. Un être puissant, conscient, capable de devenir tout ce que je n’étais pas à ton âge…
Je crois en toi et je suis certain que tu trouveras à ton tour la force d’y croire.
Je viens de me relire et je dois rectifier mon titre :