L’altruisme existe-t-il vraiment ?
Pour Matthieu Ricard, essayiste, photographe, docteur en génétique et moine bouddhiste (entre autres), l’altruisme est la réponse adéquate aux défis de notre temps.
Il a raison Matthieu mais tout cela est très complexe car notre époque est confrontée à de nombreux défis. Dans les faits, comment concilier les impératifs de l’économie, de la recherche du bonheur individuel et du respect de l’environnement ? Ce sont des sujets importants qui nous touchent tous quelle que soit notre couche sociale, notre héritage, notre pays ou notre couleur de peau. C’est vrai… A moins de vivre dans une grotte en autarcie, nous sommes tous contraints par des impératifs économiques. Et que dire du bonheur ! Qui osera dire qu’il n’est pas à la recherche du bonheur ou qu’il n’a pas peur de le perdre s’il pense l’avoir ? Pour l’environnement, mis à part quelques criminels écologiques qui se cachent d’Elise Lucet et de Gretta Tunberg, j’aime à penser que tout le monde s’en préoccupe
Alors si tout le monde est d’accord sur les impératifs, et puisque Matthieu a raison en disant que l’altruisme est la solution, pourquoi n’arrive-t-on pas à gérer cette complexité ?
Il n’y a pas de réponse exacte mais si on analyse la situation avec une vision holistique, voilà ce qu’on peut constater :
Tout d’abord, ces impératifs correspondent à trois échelles de temps différentes : le court, le moyen et le long terme.
A cela, il faut superposer trois types d’intérêts (ou de conflits d’intérêt) : les nôtres, ceux de nos proches et ceux de tous les êtres.
Une fois qu’on a intégré ceci et qu’on se projette, on se dit que : « C’est foutu… » (suivi d’un émoji avec une larme sur l’œil gauche et en faisant un cœur avec les doigts).
Mais non ! Haut les cœurs, il y a l’altruisme ! Et oui, Matthieu l’a dit, c’est le seul concept qui permet de relier naturellement les trois échelles de temps (court, moyen et long termes) et de prendre en compte les trois référentiels. Dans le monde contemporain, l’altruisme serait donc plus que jamais une nécessité voire une urgence. Comment ne pas être d’accord avec Matthieu Ricard et respecter son constat ? Vraiment, respect Mat…
Malheureusement, il nous faudra certainement user ou abuser de quelques Ricards pour croire que ce concept est applicable partout.
N’étant pas omniscient, je vais me contenter de projeter sans sarcasme cette notion dans le monde de l’entreprise. Pour être mesuré, sans être complet je l’accorde, je vais porter la réflexion sur une PME agile et, soyons fous, avec une culture d’entreprise centrée sur l’humain. Et pour être sûr de ne pas parler « comme dans les livres », je vais prendre mon entreprise en exemple.
Commençons par définir l’altruisme : c’est un synonyme de dévouement. L’altruisme, c’est se consacrer à autrui de façon désintéressée, sans rien attendre en retour.
« Sans RIEN attendre en retour… »
De quoi parle-t-on quand on dit « Rien ». Dans la langue française « un rien » c’est tout de même quelque chose. Fondamentalement « Rien », au sens de « rien du tout », c’est le néant. Or, lorsqu’on a une démarche altruiste, attendons-nous réellement rien au sens du néant ? Même pas une forme de satisfaction personnelle à faire le bien ? Même pas l’espoir que son karma soit meilleur ? Je ne suis sans aucun doute pas aussi sage que Matthieu pour envisager le « rien » en retour, je l’accorde volontiers, mais bon…
Chez nous, chez AXONE, philosophiquement on adhère à 300% au concept. On éprouve chaque jour la force d’avoir conscience de l’autre, on constate le pouvoir de transformation (positive) du collectif qui prime sur l’individuel, mais sommes-nous pour autant altruistes ?
Pour ma part, quand j’aide quelqu’un dans le contexte professionnel ou privé, je reçois toujours quelque chose en retour. Je suis parfois même surpris de la joie ou de la satisfaction générée via une action toute simple pour moi. Quand je parle d’un retour, je ne parle pas de quelque chose de matériel, juste de quelque chose. Exemple: « plaisir d’offrir, joie de recevoir… » (vous l’avez cette vieille pub d’interflora qui fout la honte et qui dézingue votre sensation d’être encore jeune si vous l’avez vu à l’écran ?…).
C’est vrai, je ressens toujours quelque chose en retour. Alors, est-ce qu’au moment où j’initie la démarche je suis dans l’altruisme ? Pour moi, oui, sans aucun doute puisque je le fais sans aucune arrière-pensée et avec beaucoup de naturel. Mais est-ce pour autant fondamentalement altruiste ? Je ne crois pas.
Le plaisir d’avoir aidé, la satisfaction de faire avancer un sujet, le plaisir de voir le sourire de l’autre, d’avoir rendu un collaborateur plus « éveillé » grâce à un simple questionnement, d’avoir participer à l’augmentation de la performance de mon entreprise, d’avoir moi-même appris quelque chose lors de l’échange etc…
On ne peut pas dire qu’il n’y a rien en retour ! Mon altruisme se nourrit de ça et pas du « rien ». Je ne serais donc pas, à mon sens, dans une démarche altruiste. Mais je ne suis pas quelqu’un d’éveillé ou de sage, pas plus, pas moins, qu’un autre…
La question suivante est fondamentale : en entreprise, l’altruisme peut-il réellement exister ? Et si la réponse est non, la question suivante arrive telle une perruque sur un bol de soupe miso : l’altruisme généralisé, sauveur de l’humanité, peut-il exister s’il ne peut émerger dans les entreprises où on passe le plus clair de notre temps ?
Mais je ne vais pas rester sur ce constat plein de sous-entendus négatifs qui équivaudrait à dire avec humour et provocation mais surtout envie : « Matthieu, j’adore ton concept d’altruisme mais nous on ne vit pas enroulé dans un drap orange à méditer, tchatcher avec des gens ou écrire des bouquins toute la journée ».
Je rassure tout le monde, c’est de l’humour et de la provocation… Bien sûr, Matthieu Ricard est un guide et ses principes de vie inspirent le plus grand nombre. Avec ses livres, ses conférences et surtout avec sa sagesse, il fera bien plus pour l’humanité que la majorité des chefs d’entreprises ou des chefs d’états de ce monde.
Mais outre le fait de montrer la voix, il faut aussi rendre l’histoire possible dans le quotidien de l’homme …
Cet article, un peu décalé je le reconnais, a juste pour but de challenger l’ordre établi. Bien sûr que l’altruisme au sens littéral est très difficile à cultiver et à promouvoir dans une entreprise. Mais il existe d’autres approches qui sont déclinables opérationnellement et sans avoir à dégainer la « Bienveillance » comme un carte pokémon suprême « Bulbicalinozar ».
Avec un peu de volonté, l’écoute, la remise en question, la guidance dans la prise de risque et la quête d’équilibre sont par exemple des notions facilement « déployables » en entreprise. Pas la peine de lire des BD sur l’holacratie, pas besoin de concept pompeux comme les pyramides inversées ou autre.
En tout cas, nous, on y arrive alors les autres devraient aussi pouvoir le faire…