Ingénierie Système et Entreprise

Ce que nous racontons presque chaque jour à nos clients/partenaires/amis/membres de la famille, c’est que l’ingénierie système sert in fine à simplifier la conduite des projets complexes. Souvent très rapidement, nous en arrivons à détailler comment nous pouvons participer à leur simplification : définition du besoin, méthodes de gestion des exigences, des interfaces, de la configuration… et c’est passionnant. Au cours de ces logorrhées, il restera un mot qu’on n’explicitera pas plus que cela, que l’on considérera comme connu de tous, que nous illustrerons éventuellement par certains exemples afin de donner un peu plus de corps à notre propos. Ce mot : le projet.

Il est vrai que dans notre quotidien professionnel, nous côtoyons toutes sortes de projets, avec des envergures, des complexités, des enjeux immensément variés. Mais il me semble que dans notre quotidien personnel, nous faisons face encore plus souvent à des projets. En effet, organiser un mariage, des vacances ou l’anniversaire d’un enfant, c’est se poser strictement les même questions que nous nous posons pour construire des usines ou des fusées :

  • Quel est mon besoin ? Déguisement pirate ou pompier ?
  • Quelles sont mes contraintes ? Budget : 50€ par jour !
  • Avec qui dois-je composer ? Bon, le plan de table…

On se rend compte ici que nous nous posons ces questions un nombre incalculable de fois chaque semaine et que de ce fait, nous faisons tous un peu d’ingénierie système. Mais ce n’est pas mon propos ici. Je souhaite m’intéresser plus particulièrement à une typologie particulière de projet et à un instant très singulier.

Certains ne connaitront cela qu’une fois dans leur vie tandis que d’autres enchaîneront les histoires aussi fugaces que passionnantes années après années. Je parle bien évidemment de la création d’entreprise.

L’entreprise est un système particulier, mais un système quand même (car tout est système !). Aussi protéiforme qu’évolutif, il se meut selon la volonté de ses dirigeants, mais se construit grâce à l’action de ses salariés. Devant une si grande complexité, je ne vois pas d’autres moyens viables pour créer et faire vivre une entreprise que d’utiliser les méthodes de l’ingénierie système.

Gérer sa croissance

Les entrepreneurs dans l’âme m’excuseront, il ne s’agira pas ici de détailler la genèse du projet d’entreprise. Je vais plutôt m’intéresser ici au cas d’une jeune entreprise, qui a réussi son décollage et doit maintenant apprendre à sortir de son organisation start-up/artisanale/on-fait-comme-on-peut pour une organisation plus pérenne. Une entreprise comme AXONE.

Comment repenser son organisation, en la faisant correspondre à la vision que l’on a pour le futur de l’entreprise ? Comment faire fonctionner tout cela avec les employés qui ont rejoint l’aventure récemment et ceux qui sont là depuis les débuts ? Comment garder une uniformité lorsque l’activité s’étend aux quatre coins du pays ?

La première idée serait de faire correspondre l’organisation de son entreprise à des schémas bien connus, ceux des grandes entreprises, réparties sur un large territoire. Il semble intéressant de s’inspirer de celles-ci.

Directeur d’agence, manager, responsable commercial régional, chefs de projet… Ces noms sont familiers et il serait trivial de les faire apparaitre sur un organigramme pyramidal. La communication auprès des clients et partenaires serait alors limpide. Mais en interne ? Vais-je trouver une personne, par localité, capable d’endosser le rôle de « Directeur d’agence » ? Ai-je de quoi occuper à 100% un « responsable commercial régional » ? Qui le manager gèrerait-il ? Comment je fais avec mon agence à 2-3-4 personnes ?

Nous voyons ici rapidement que le modèle « grande entreprise » ne semble pas être la solution la plus adaptée. Mais en existe-t-il d’autres ?

Holacratie et entreprise libérée

En rédigeant cet article et en m’intéressant au sujet de l’organisation d’entreprise, je suis assez rapidement tombé sur le principe d’« Entreprise libérée ». Quelques heures de lecture plus tard, tout était limpide pour moi. C’est vers cela que doivent aller toutes les entreprises !

Beaucoup de gens en parleront bien mieux que je ne pourrais le faire (par exemple ici), mais je vais essayer d’expliquer brièvement les principes de base de l’entreprise libérée. Premièrement, il faut être à l’aise avec l’idée que l’homme est foncièrement bon et ne cherche pas systématiquement à abuser du système, quel qu’il soit. Ensuite, il faut être persuadé qu’un salarié heureux est plus productif et donc que le bonheur de chacun au travail est indispensable. Finalement, l’objectif de toute entreprise lucrative étant de gagner de l’argent, les entreprises libérées réduisent leurs coûts en supprimant tous les postes de management intermédiaire, les postes de contrôle.

La dynamique vertueuse recherchée pourrait être, de manière très simple, voire simpliste, résumée ainsi :

1. La réduction au maximum des postes de management intermédiaire induit :

a. Une réduction des activités de contrôle,
b. Une réduction des dépenses,

2. La réduction des activités de contrôle implique :

a. Une diminution du sentiment d’être surveillés, de la part des salariés, perçue comme une marque de confiance
b. Une diminution des activités de remontée d’information (donc une réduction des dépenses)

3. L’augmentation de la confiance perçue par les salariés augmente leur implication, ce qui implique :

a. Une augmentation de la productivité, donc des marges,
b. Une augmentation de la créativité et donc du potentiel d’innovation de l’entreprise.

Ce schéma est à nuancer et à adapter à chaque situation particulière, mais l’objectif visé par la démarche apparaît clairement.
Une multitude d’autres principes a conduit des entreprises innovantes dans leur management (les exemples les plus célèbres en France étant Favi et Chronoflex), à revoir leurs processus de prise de décisions opérationnelles. Ces principes relatifs à l’holacratie (gouvernance par le tout) ont par exemple permis de revoir les méthodes de désignation de responsables d’équipe. Chez certains, ils n’ont plus été désignés par la direction, mais élus par les équipes. D’ailleurs, on ne parle plus de « chef », mais de leader, qui a pour objectif de guider son équipe plutôt que de la diriger.

Les exemples sont nombreux, mais on comprend vite en quoi ce mode de fonctionnement renforce le sentiment d’appartenance, la confiance ressentie et donc l’implication (et donc in fine les bénéfices pour l’entreprise).

Créer son propre modèle

Les bienfaits théoriques de ce modèle sont évidents, et la démarche vertueuse ne pourra qu’enthousiasmer les plus humanistes d’entre nous. Malgré tout, la libération de l’entreprise n’est pas un parcours tracé. De nombreux freins peuvent complexifier le voyage. Premièrement, le socle de tout cela, le chef d’entreprise, doit être mu par la conviction que cette démarche est la bonne, car il n’est pas possible de l’appliquer à moitié. Le départ de cette personne rebattra les cartes, et si la transition n’est pas correctement préparée, alors peu de chance que le modèle subsiste. De la même manière, il est important que chaque personne sache mettre de côté son égo, car les signes de d’autorité ont vocation à se raréfier. Moins de hiérarchie, plus de groupe… cela ne ressemble pas trop au modèle qui nous est présenté depuis, pour ma part, la naissance. Mais de gros efforts de déconstruction sont à faire de la part de tous.

Par ailleurs, comment prendre en compte les envies évolutives des salariés (progressions techniques, responsabilité, salariale) dans ce modèle ? Comment ne pas faire perdre leurs repères aux partenaires et clients qui ne retrouveront pas le verbatim auquel ils sont habitués.

Somme toute, il me semble incontestable la nécessité de construire son propre modèle organisationnel. Et pour cela, aucun outil n’est mieux adapté que ceux de l’ingénierie système :

  • Quels sont mes besoins et comment correctement les expliciter ?
  • Comment traduire ce besoin en exigences (objectifs ?) à court et moyen terme ?
  • Quelles sont mes interfaces internes (salariés, futures recrues)
  • Quelles sont mes interfaces externes (clients, partenaires, banques, écoles)

Et comment répondre à toutes ces questions dans un environnement mouvant, incertain et soumis à la loi de Murphy ? J’imagine que pour être chef d’entreprise, le lâché prise est nécessaire.

Chez AXONE, nous essayons de mettre en place ces principes, du mieux que nous pouvons, avec les contraintes qui sont les nôtres. L’objectif principal pour nous est d’accompagner la croissance que nous connaissons sans perdre notre identité. Nous ne voudrions pas être les cordonniers mal chaussés de ce récit.

Pourquoi cordonniers ? Parce qu’avec OOV, nous proposons à nos clients et partenaires de mettre à leur service la puissance de cette méthode de modélisation de leur organisation pour les accompagner au cours de leur restructuration. Notre vision théorique du changement s’accompagne, car cela nous semble indispensable, d’un point de vue opérationnel que nous obtenons en appliquant cette méthode notamment à notre propre entreprise.