L’humain et la gestion des modifications
Dans la vie de tous les jours, certains aiment le changement et glorifient les imprévus, tandis que d’autres préfèrent que les choses se déroulent selon l’attendu et que rien ne vienne changer leurs plans initiaux. Dans le monde professionnel, les modifications font un peu plus l’unanimité et sont la hantise de bons nombres de responsables systèmes, architectes ou chefs de projet. Souvent synonymes de reprise d’activités, de décalage planning, de coûts supplémentaires, et d’un processus lourd, les modifications sont pour autant pratiquement inévitables dans nos projets modernes.
Avec la compression des plannings et la complexité croissante de nos projets, nous avons de plus en plus d’activités interdépendantes et traitées en parallèle. Même avec une planification précise et de qualité, lors de l’avancement des études, il est difficile de ne jamais remettre en cause des données initialement partagées. Il faudra donc traiter les modifications produits, coûts, délais, que cela engendre directement sur son système, mais surtout indirectement sur les systèmes en interfaces et les activités transverses.
Les conséquences d’un mauvais suivi des modifications peuvent être extrêmement dommageables si elles ne sont pas décelées suffisamment tôt, et peuvent engendrer des coûts dix, cent, mille fois supérieurs à une détection plus précoce. Qui plus est, dans le nucléaire, l’exigence de traçabilité des activités est dictée par la loi. Il est donc indispensable de définir un processus de gestion des modifications au sein d’un projet. La difficulté réside ensuite dans l’élaboration de ce fonctionnement, qui doit prendre en compte les besoins du projet, ses contraintes, ses intervenants et ses différentes phases tout en s’intégrant à la gestion de configuration.
Certains projets ont d’ailleurs besoin d’une traçabilité particulièrement poussée, il faut donc que le processus prenne en compte l’identification précise de toutes les données à modifier, les anciennes et nouvelles révisions à enregistrer, chaque décision à rédiger et partager, etc… Par ailleurs, le besoin principal peut être le traitement rapide des modifications. Dans ce cas il faudrait un processus plus souple permettant de réagir aux différentes situations, et mettant plus en avant l’action concrète sur la modification plutôt que le côté plus administratif.
Les phases du projet ont aussi un impact sur la gestion des modifications. En phase de conception, on peut avoir plus de temps, et plus de flexibilités techniques pour traiter une modification. Tandis qu’en phase de fabrication, il y a plus de contraintes techniques, et les délais sont souvent plus tendus. Le processus de gestion de modification doit donc être applicable dans toutes les situations de vie d’un projet sans être un poids pour celui-ci.
Une chose commune à toutes les situations est cependant l’analyse d’impact, c’est une des clés de la gestion des modifications. C’est là que tout se joue. Il faut réussir à identifier tous les systèmes, les composants, les activités qui vont devoir être repris suite à la modification d’un élément. C’est souvent une analyse incomplète des impacts qui entraine la modification d’une modification, hantise de toute gestion des modifications. Il faut donc bien identifier, mais toujours de manière adaptée à la situation, les parties prenantes, directes, indirectes, internes, externes, en prenant de la hauteur sur la modification. Cela pour se donner confiance dans l’analyse de ses conséquences. Ce qui peut d’ailleurs parfois être difficile si l’on ne se base que sur un outil informatique.
Mais faut-il absolument cadrer précisément dans un processus l’ensemble de ces situations ? En sommes-nous même capables ? Ne pouvons-nous pas parfois se laisser un peu de liberté pour permettre de mettre en avant les compétences des intervenants qui seront capables de s’adapter aux multiples situations réelles d’un projet ?
Parfois à trop être guidé, on en oublie de réfléchir, on ne prend pas assez de hauteur, et on perd le sens des actions à réaliser. Cela est discutable et dépend du cadre d’application, mais laisser place à la réflexion et l’intelligence humaine ne peut pas faire de mal. En faisant confiance à ses équipes dans la bonne gestion de situations particulières, tout en les entourant d’un cadre indispensable mais adapté, on pourrait permettre de mieux impliquer l’humain et avoir une meilleure acceptation de la gestion des modifications. De manière générale, ces questions peuvent se poser pour tous les processus, car une chose est sûre, un processus est rarement une fin en soi.