Culture de sûreté
Comme de nombreuses industries, les installations nucléaires ne peuvent exister sans technologie ou systèmes, mais leur fonctionnement s’appuie avant tout sur des femmes et des hommes qui participent à la conception, la fabrication, la réalisation, l’exploitation, la maintenance et le démantèlement des systèmes au service des missions de chaque installation.
L’intervention importante des femmes et des hommes dans le secteur du nucléaire introduit de fait une part de risques liés au facteur organisationnel et humain. La prise en compte du facteur organisationnel et humain dans l’industrie nucléaire passe notamment par la prescription de nombreuses règles à destination de chaque intervenant en vue de garantir le maintien du niveau de sûreté des installations.
Ces règles requièrent de la part des intervenants un certain nombre de prérequis favorisant leur bonne application et, le cas échéant, une réaction adaptée en cas d’écart observé ou d’aléa.
La compréhension et le respect de ces règles passe en particulier par la promotion et la diffusion de la culture de sûreté auprès des intervenants. En effet, la culture de sûreté vise à s’assurer que la plus grande considération soit donnée aux activités gravitant autour des systèmes importants pour la sûreté des installations, c’est-à-dire remplissant des fonctions essentielles de maitrise des phénomènes intrinsèques liés aux substances radioactives (émission de rayonnements ionisants néfastes pour les organismes vivants, émission de chaleur, etc.).
Ces activités couvrent l’ensemble du cycle de vie de l’installation nucléaire, depuis l’expression du besoin initial jusqu’au déclassement de l’installation, en passant par les études de conception (design, définition des diverses sollicitations, dimensionnement et calculs, etc.), les travaux de réalisation (approvisionnement des matières premières et des équipements, fabrication des composants, montage des systèmes, etc.), les contrôles et essais de fonctionnement, la mise en service, l’exploitation, la maintenance…
Dès 1991, le Groupe consultatif international pour la sûreté nucléaire (INSAG), un groupe d’experts de l’AIEA, examine ce concept dans le rapport n°75-INSAG-4, et propose la définition suivante :
« La culture de sûreté est l’ensemble des caractéristiques et des attitudes qui, dans les organismes et chez les individus, font que les questions relatives à la sûreté des centrales nucléaires bénéficient, en priorité, de l’attention qu’elles méritent en raison de leur importance. »
Il ressort de cette définition, qui s’applique par ailleurs à toutes les installations nucléaires (réacteurs, laboratoires, centre de production, etc.), deux points essentiels :
- la culture de sûreté relève à la fois des intervenants et des organismes qui les administrent (hiérarchie d’une entreprise, montage industriel d’un projet) ;
- la culture de sûreté concerne le savoir (les connaissances théoriques), le savoir-faire (les connaissances pratiques) et le savoir-être (les attitudes et comportements), autrement dit, de manière plus contemporaine, les hard-skills et les soft-skills.
Ces points se retrouvent clairement déclinés dans les grands principes formant la colonne vertébrale de la culture de sûreté :
- Engagement de la hiérarchie,
- Démarche rigoureuse et prudente,
- Attitude interrogative,
- Communication.
Dans un secteur hautement technologique et complexe, la culture de sûreté donne toute leur place aux femmes et aux hommes en charge des activités liées à la sûreté des installations, en soulignant leur responsabilité individuelle et en valorisant leurs actions pour l’atteinte des objectifs de sûreté.
La notion de culture de sûreté intègre également la dimension collective vis-à-vis de l’engagement nécessaire de la hiérarchie (et plus largement de l’ensemble des parties prenantes d’un projet industriel), à travers, par exemple, la formation, la sensibilisation, la mise à dispositions des moyens matériels et humains, et l’usage des écarts relevés comme source d’enseignement et de progrès.
La culture de sûreté constitue un formidable vecteur de sens, offrant l’opportunité de repositionner les règles prescrites dans leur contexte et d’élargir la vision des intervenants par rapport à leurs activités en les invitant à prendre du recul, à se questionner. La sensibilisation à la culture de sûreté permet de consolider leur compréhension globale de leurs opérations et de leur impact potentiel sur les installations et, ce faisant, d’améliorer leur adhésion aux diverses contraintes et obligations dictées par la sûreté.